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Djikadan Daily N°3 

 

ÉDITORIAL//: AU PAYS DE PERPÉTUEL RECOMMENCEMENT : DE SÉKOU TOURÉ À COLONEL MAMADY DOUMBOUYA

Brève description des atouts et faiblesses des hommes qui ont gouverné notre pays, la république de Guinée, de 1958 à nos jours, avec des styles différents. Le dénominateur commun du règne de ces hommes, excepté un seul, c'est l'effusion du sang. 

1. SÉKOU TOURÉ. ATOUTS. C'est l'homme du 28 septembre 1958. C'est lui le père fondateur de la nation guinéenne. De teint noir, il était élégant et naturellement intelligent, pour ne pas dire surdoué et visionnaire. Il aimait s'habiller en blanc, la couleur fétiche de son parti, le PDG-RDA et l'éléphant comme symbole. Le système de gouvernance qu'il mit en place le rapprochait de son peuple, qui l'acclamait tant. Il était sincère envers lui-même, envers ses amis et envers son peuple. Il avait un plan de développement harmonieux qui prenait en compte les réalités concrètes du pays. Il mourut un matin de 26 Mars 1984, par suite d'une crise cardiaque. Tout porte à croire que si son parti continuait à diriger le pays, tout en opérant des réformes conséquentes, la Guinée serait au même niveau de développement sociopolitique que la Chine ou la Corée du Nord d'aujourd'hui, pour ne citer que ceux-là. FAIBLESSES : l'excès d'autoritarisme, la présidence à vie et les multiples complots dénoncés et suivis d'exécution des présumés coupables. Ces exécutions instrumentalisées et excessivement dramatiseés par la presse occidentale et des ONGs comme Humain Right Watch, ont contribué à diviser profondément les citoyens et renforcer la haine intercommunautaire et l'ethnocentrisme dans le pays. Si on en croit à cette ONG, c'est comme si Sékou Touré tuait chaque jour près de 160 personnes durant les 26 ans de son règne. Son opposition à la proposition de général de Gaulle suivi du référendum du 28 septembre 1958 dans lequel le non a largement emporté, en est pour quelque chose dans le lynchage médiatique dont il fut l'objet de la part des journalistes et ONGs à la solde du gouvernement Français ou du réseau françAfrique.  

2. GÉNÉRAL LANSANA CONTÉ. ATOUTS.

C'est l'homme du 3 avril 1984. À la tête d'une junte, dénommée CMRN, il s'est accaparé du pouvoir juste quelques jours après l'enterrement de Président Ahmed Sékou Touré. Il mit fin au système socialiste mis en place par ce dernier, dont il était lui-même un pilier, voire un bourreau. Quelques années plus tard après son accession au pouvoir, il fait adopter la loi fondamentale, qui autorisa le multipartisme et la liberté d'expression, qui déboucha sur la création de plusieurs médias privés dans tout le pays. Bien que n'ayant pas réussi à mettre en place un système de gouvernance approprié, il était tout de même proche de son peuple, sa communauté particulièrement. Il était pragmatique et reconnaissant des bienfaits des autres vis-à-vis de lui, pendant ses années de disette. Il était patriote et très loyal. FAIBLESSES. Taciturne, il était peu bavard. Son niveau d'expression en langue français était faible. Il n'aimait pas trop de contact avec le monde extérieur et était méfiant vis-à-vis des Blancs. Il ne croyait pas à la sincérité de l'amitié avec des Occidentaux Une année après son accession au pouvoir, à la faveur d'un pseudo ou vrai complot, il fit arrêter et exécuter, de façon extrajudiciaire, beaucoup de ses compagnons d'arme et d'anciens dignitaires du régime défunt, issus exclusivement de la communauté malinké ou Nko. L'histoire retient que c'est en son temps, que le chemin de fer Conakry-Kankan fut démantelé et vendu à vil prix à une compagnie étrangère. Il a échoué dans sa politique de développement du pays et a fini par cautionner le laisser-aller. Ce fut également en son temps que le vol systématique du denier public a commencé. Rongé par un diabète aigu et une leucémie, il ne contrôlait plus rien dans la gestion des affaires de l'État, laissant ainsi le pays à la merci des clans antagoniques, voire antagonistes. Les rumeurs l'ont donné plusieurs fois pour mort, mais il mourut finalement en décembre 2008. Il est à l'origine de tous les maux qui caractérisent le pays, de l'année 1990 à nos jours. Il l'a égorgé avant de le jeter dans un puits profond. C'est également en son temps que le pays est devenu la plaque tournante du trafic de la cocaïne. L'économie a été libéralisée au même titre que la vente et la consommation des drogues dures. Les militaires étaient les principaux dealers de drogue. Le développement de l'ethno stratégie comme outil de gouvernance a été déterminant pour son maintien au pouvoir pendant plusieurs décennie

3. MOUSSA DADIS CAMARA. ATOUTS et FAIBLESSES. Comme en 1984, un beau matin, Moussa Dadis Camara, à la tête d'une junte dénommée CNDD, s'est accaparé du pouvoir quelques heures seulement après l'annonce de la disparition de l'homme qui avait dirigé le pays d'une main de fer pendant 24 ans. Il n'a pas attendu la fin des funérailles pour annoncer la prise du pouvoir par l'armée, qui s'est déroulée sans effusion de sang. La mort de l'homme, il faut le mentionner, a été annoncée en différé par son entourage, qui était engagé dans une lutte intestine de succession sans merci, menée discrètement. Le mérite de Dadis réside principalement dans le démantèlement des réseaux mafieux de trafic de drogue, la cocaïne notamment, qui s'étaient accaparés du pays. Impulsif et sentimental à la fois, pendant son bref passage tumultueux et vacarme, il soufflait le chaud et le froid. Il a humilié publiquement plusieurs dignitaires du régime précédent pour leur implication présumée dans le détournement du denier public et dans le trafic de la cocaïne. Devenu vedette de la télévision nationale avec le feuilleton DADIS SHOW, même les corps diplomatiques et des représentants des compagnies étrangères n'ont échappé à la fougue de l'homme. L'ambassadeur d'Allemagne et le représentant de la société RUSAL d'alors n'en diront pas le contraire. Même son premier ministre, le respectueux Kabiné Komara, n'a pas fait exception à cette règle. Imprudent, il finit par se faire tirer dessus par son aide de camp, Toumba Diakité, au mois de septembre suivant dans un camp militaire de la place; soit 9 mois après son accession au pouvoir. La relation entre les deux personnes s'est fortement détériorée, en toile de fond l'accusation de responsabilité dans les tueries de masse des manifestants au stade du 28 Septembre. Il faut rappeler que ce fut lors d'un meeting à l'appel de l'opposition, que des manifestants se réunirent audit stade pour dire NON aux velléités de sa candidature aux prochaines élections présidentielles, que ce massacre a eu lieu.

4. GÉNÉRAL SÉKOUBA KONATÉ. ATOUTS ET FAIBLESSES. Ce fut suite à la blessure de Dadis par balle sur sa tête, que SÉKOUBA KONATÉ a pris les règnes du pays. Comme Gen. Lansana Conté, il est taciturne lui aussi. Son mérite réside principalement dans l'organisation des élections présidentielles libres et transparentes de 2010, même si celles-ci furent entachées de fraudes. Il a respecté les accords de Ouagadou à la lettre, en permettant à Mr. Jean Marie Doré, le premier ministre consensuel, de gérer les affaires de l'État et d'organiser les élections apaisées. En bon soldat, il a pu maîtriser l'armée, il faut le reconnaître, qui n'était plus républicaine. 

5. PROFESSEUR ALPHA CONDÉ. ATOUTS. Premier Président démocratiquement élu depuis l'adoption de la loi fondamentale autorisant le multipartisme, en 1990. Il est élu à la suite d'un scrutin très contesté par son challenger, Mamadou Celou Dalein Diallo. Sous les auspices de la communauté internationale, ce dernier a accepté sa défaite, même si difficilement. Il est très charismatique avec un carnet d'adresses bien rempli. Très tôt après sa prestation de serment, il entame des voyages pour, dit-il, le retour de la Guinée dans le concert des nations. À chaud, il déclara dans l'une de ses toutes premières allocutions radio télévisées, je cite : j'ai hérité d'un pays et non un État. Cela en dit long sur l'état dans lequel il a trouvé le pays. Les trois premières années de son règne furent caractérisées par des manifestations violentes sanglantes et récurrentes. Il a décroché l'annulation de la dette du pays dans le cadre du fameux PPTE. Il construit le barrage de Kaléta et lance le démarrage de Souapiti. FAIBLESSES. Naturellement humoriste, même en dénonçant les cas de détournements rocambolesques du dénier public, il le faisait avec humour et rigolade. Évoquer son nom fait tout de suite allusion à l'impunité. Son règne a favorisé l'émergence et l'enrichissement illicite d'une oligarchie insatiable. Bien qu'étant le plus aimé des présidents qu'a connu notre pays, PRAC était très éloigné du peuple. Il fut très isolé et finalement pris en otage par son entourage, engagé dans un concours de détournement du dénier public sans précédent. Des voyous à col blanc l'ont sevré de son peuple prématurément. Son personnage prête à confusion et continue à diviser encore ses militants et les citoyens jusque dans les familles. Ce fut sous son règne que le clivage ethnique a atteint son paroxysme, avec des slogans et promesses électorales incendiaires. C'est aussi en son temps que l''administration publique a été aussi politisée à outrance. Il était tout sauf ce dont on le croyait. Il faisait exactement le contraire de ce qu'il disait ou dénonçait ou promettait publiquement. Avec lui, il fallait s'attendre à tout et rien à la fois. Il s'est battu pendant une quarantaine d'années pour l'alternance démocratique dans son pays. Malheureusement, comme Lansana Conté en 2001, il a modifié lui aussi la constitution du pays, à son tour, à travers un référendum contesté et ensanglanté, afin de s'éterniser au pouvoir. Jusqu'à sa chute inopinée le 5 septembre 2021, on a jamais su ce pour lequel il s'est battu pendant plusieurs décennies ! Pourquoi s'était-il opposé à Sékou Touré, puis à Lansana Conté, successivement ? Il ne devrait pas, en réalité, faire plus d'un mandat à la tête du pays. Il n'avait pas le bon profil pour un pays aussi désordonné comme le nôtre. Il s'est trahi lui-même et a trahi son peuple, au nom duquel il menait pourtant son combat pour la démocratie; peut-être inconsciemment. Hélas ! Autrement dit, une fois arrivé au pouvoir, le voilà devenu l'ami fidèle des Présidents des pays non démocratiques comme la Turquie ou la Chine ou la Russie ! Son machiavélisme a fini par se retourner contre lui-même. Il s'est fait kidnapper un beau matin par des éléments des forces spéciales; une unité d'élite qu'il a créées, entretenues et équipées lui-même. Il comptait l'utiliser certainement comme un contrepoids non seulement pour la grande muette, mais aussi pour sa propre garde présidentielle. Hélas ! On ne peut être plus malin que Dieu.

6. COLONEL MAMADY DOUMBOUYA. ATOUTS et FAIBLESSES. Il est le Président en exercice. Le kidnappeur. Comparativement aux deux précédents coups d'État, celui de 1984 et de 2008, qui sont survenus qu'après la mort du Président en exercice, lui il a fait arrêter un Président en exercice, avant de proclamer la prise du pouvoir par l'armée. Par cet acte, il a ainsi brisé un mythe qui faisait croire que le coup d'État ne réussit pas en Guinée. Il apparaît comme un produit de synthèse de ces prédécesseurs. Il ne veut pas commettre les mêmes erreurs que ces derniers. Le combat pour la moralisation du dénier public et la récupération des des domaines de l'État reste pour lui la priorité des priorités. Pour le moment, c'est trop tôt de se prononcer sur sa proximité avec le peuple et de la manière dont son règne finira. Mais avec tout l'arsenal militaire et des lobbyistes qui l'entourent, tout porte à croire qu'il finira par être lui aussi le souhait de son entourage. Il risque de tout faire sauf l'essentiel. Au pays des rusés, des égoïstes et des méchants, pour réussir, il faut être rusé, égoïste et méchant.  

En somme, un bon système de gouvernance rapproche toujours le Président à son peuple. Par contre, un mauvais système de gouvernance l"isole et l'éloigne du jour au jour de son peuple. Un entourage mal intentionné empêche le Président de bien voir, de bien entendre et de mieux comprendre les préoccupations réelles de son peuple. C'est-à-dire son cri du cœur. C'est souvent un match dans lequel c'est 11 contre 1, qu'on assiste. C'est-à-dire : tous contre un. Chacun se bat de son côté pour nommer son ou ses homme (s). 

En Guinée, c'est quand l'histoire ne se répète pas, qui est surprenant.

À quand la fin de répétition de l'histoire en Guinée ?