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Lettre d’un Guinéen optimiste à son président

Monsieur le Président de la troisième transition militaire de notre pays !

Conscient de la complexité de la situation sociopolitique de notre pays !

Sachant votre motivation pour la prise du pouvoir par la force !

Permettez-moi de m’adresser à vous très solennellement !

Avec ce coup de force de main de maître, survenu le 5 septembre 2021, l’espoir est de nouveau permis pour la fondation d’une Guinée nouvelle réconciliée avec elle-même.

Excellence Monsieur le Président !

Je ne reviendrai pas sur les raisons qui vous ont poussé à prendre le pouvoir. Car elles ne sont pas méconnues des observateurs de l’évolution sociopolitique dans notre pays, lesquelles vous avez d’ailleurs brillamment et sommairement égrainées au cours de votre toute première intervention radio télévisée, en tant que nouvel homme fort du pays.

Excellence Monsieur le Président !

Pour la petite histoire, j’étais de ceux qui étaient farouchement opposés à la modification constitutionnelle qui permettait au Président Alpha CONDÉ de briguer un troisième mandat. La raison de mon opposition était que je l’aimais et ne souhaitais pas qu’il sorte par la petite porte de l’histoire de la démocratie africaine. J’ai alors rédigé deux lettres, dont une pour lui-même et l’autre pour les responsables du parti qui l’a porté au pouvoir en 2010. Ces lettres sont disponibles sur des sites et accessibles aux liens suivants:

https://www.google.com/amp/s/guineematin.com/lettre-dun-guineen-inquiet-a-son-president/amp/ ;

https://guineematin.com/politique-lettre-dun-guineen-inquiet-aux-militants-du-parti-au-pouvoir/amp/

Excellence Monsieur le Président !

Fort malheureusement, comme j’y m’attendais, ces lettres n’ont pas été prises au sérieux ni par le président ni par les dirigeants de son parti. En cautionnant cette modification anticonstitutionnelle, ils ont trahi le pays et mis en risque la survie de leur propre formation politique. Ayant compris que toute opposition au train de modification constitutionnelle était peine perdue, j’ai publié une nouvelle tribune sur les réformes politiques adaptables à nos réalités concrètes. Une fois de plus, comme les deux lettres, elle n’a pas attiré l’attention de l’élite de notre pays. Les préoccupations étant ailleurs.

Excellence Monsieur le Président !

Tout comme la force physique ou l’argent, Dieu ne donne pas le savoir à tout le monde. Si on n’écoute pas ou ne considère pas ceux qui ont des connaissances, on ne connaîtra jamais la paix. Malheureusement, aujourd’hui dans notre pays, pour avoir du respect ou être écouté, il faut être un haut cadre de l’administration, capable de détourner et gaspiller le fonds public ! La connaissance ne vaut absolument rien si elle ne sert qu’à subtiliser intelligemment l’argent public. Le système éducatif est à réformer profondément et impérativement.

Excellence Monsieur le Président !

Comme pour vous reprendre, je cite : nos maux se nomment : le manque de courage politique, la tyrannie de l’argent, l’absence de moralité collective... C’est ce passage qui m’a de plus marqué de votre intervention. Et j’ose croire que vous êtes l’espoir pour la fondation d’une Guinée nouvelle réconciliée avec elle-même. Même si certains diront que c’est encore trop tôt de croire ainsi. Je continue tout de même à prier le Tout-Puissant pour qu’il soit votre unique guide. C’est-à-dire, pour éviter que vous soyez comme d’autres qui vous ont précédé et qui sont finalement passés à côté de l’essentiel. Ils se sont laissé distraire par les griots et brebis galeuses.

Excellence Monsieur le Président !

Au cours de votre intervention, vous avez aussi mentionné un autre fléau qui est la politisation à outrance de l’administration publique. Ce fléau s’accompagne d’une communautarisation des postes clés au sein de l’administration et la sédentarisation des cadres à leurs postes. La récompense politique obligeant. Le partage du gâteau. Notre administration est saturée, obsolète et n’offre plus l’opportunité de faire carrière. À cela s’ajoute la prostitution politique, qui complique énormément la gouvernance économique. Logiquement, l’exercice politique doit être interdit à tout ancien haut cadre en activité ou à la retraite. On ne peut pas détourner des fonds publics, puis revenir manipuler le peuple avec les mêmes fonds, afin de s’immuniser contre d’éventuelles poursuites judiciaires. Le multipartisme ne doit pas être un bouclier pour les prédateurs du dénier public.

 

 

Excellence Monsieur le Président !

La fondation d’une Guinée nouvelle où il fera beau vivre, passera forcément par des réformes courageuses non opportunistes. Comme l’a dit Obama, je cite : l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais des institutions fortes. Pour cela, il faut un homme providentiel. J’ose croire que cet homme est vous. Même si certains diront que c’est encore prématuré de croire ainsi. Un homme providentiel, selon mon entendement, est celui-là qui est intelligent, méthodique, imperturbable, qui écoute et respecte les autres. C’est aussi celui-là qui respecte scrupuleusement la constitution de son pays et qui ne se prend pas pour un messie irremplaçable. Bref, un patriote au sens réel du terme.

Excellence Monsieur le Président !

Les crimes et violences politiques qui caractérisent notre pays depuis l’indépendance, doivent nous amener à remettre en cause notre système de gouvernance politique. Malheureusement on assiste à une démission collective de l’élite. Chacun pense que les crises sociopolitiques auxquelles le pays est confronté depuis des décennies, trouveront solution d’elles-mêmes ! Le combat de chacun se résume à un combat personnel, combat pour la réussite personnelle dans lequel on n’hésite pas à sacrifier le pays et les autres. En d’autres termes, c’est l’incompatibilité du système de gouvernance politique avec nos réalités concrètes qui génère toutes ces crises parfois sanglantes. Croire que notre pays n’est pas confronté à une quelconque crise identitaire est soit hypocrite soit une méconnaissance totale de la réalité. On ne peut pas réveiller quelqu’un qui fait semblant de dormir.

Excellence Monsieur le Président !

On mettra certainement pression sur vous pour l’organisation d’élections libres, transparentes et inclusives dans un bref délai. Mais sachez que si les questions fondamentales qui nous divisent profondément ne sont pas résolues, quiconque viendra après vous, butera sur les mêmes obstacles infranchissables : l’esprit communautaire ou ségrégationniste fera de celui qui viendra un bon démocrate au début mais il finira avec le temps par devenir un dictateur féroce. Car il va tuer et faire emprisonner beaucoup de citoyens à cause des divergences politiques. Le perpétuel recommencement avec son cortège de malheur. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Dit-on. Le malheur c’est qu’on ne tire pas de leçon du passé.

 

 

Excellence Monsieur le Président !

Logiquement, tout chef d’État africain ayant passé plus de dix ans au pouvoir, en modifiant la constitution de son pays ou non, ne doit intervenir en sapeur-pompier dans notre crise. Malheureusement le ridicule ne tue plus.

Espérant que cette nouvelle opportunité qui s’offre à notre pays pour sa refondation ne se transformera pas, une fois de plus, en un cauchemar pour le peuple, je vous remercie et compte sur vous.

Dr. Mory Mandiana DIAKITÉ

Ingénieur agronome

Enseignant-chercheur-Écrivain

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Tel : +224 620 04 15 06